Depuis plusieurs mois, la France se trouve aux prises avec une crise énergétique inédite. Débutée depuis 2021, elle a été exacerbée par de nombreux facteurs. À l’heure où vous lisez cet article, les entreprises se plient en 4 pour supporter leurs factures d’énergie dont le montant n’a cessé de croître au fil des mois. Le 26 août passé, le prix de gros de l’électricité pour l’année 2023 en France a battu des records historiques, passant à 1300 euros le MWh. En clair, il y a de quoi s’alarmer. Pour votre entreprise, qu’est-ce que cela pourrait bien vouloir dire ? Comment votre entreprise pourrait-elle ressentir les effets de cette crise qui ne donne pas l’air de tirer vers sa fin.
Crise énergétique : d’où vient-elle ?
Parfois, il est important de revenir sur les origines de la crise pour mieux la comprendre et se faire une idée de l’envergure qu’elle peut prendre. En fait, c’est une crise mondiale. La France n’est pas la seule à subir une conjoncture aussi sévère. Toutes les régions du monde et la plupart des secteurs sont impactées d’une manière ou d’une autre. Mais divers facteurs ont contribué à initier la crise, à l’intensifier et à la faire perdurer.
Une forte demande en ressources énergétiques après la reprise économique post-covid
Déjà, la crise sanitaire de 2020 ne peut pas être soustraite de la genèse de la crise actuelle. En effet, lorsque les activités économiques sortaient de la période de ralentissement engendré par le confinement et les mesures sanitaires prises par les divers États, nous avons tous remarqué un changement brutal des prix sur le marché.
Les matières premières essentielles telles que le gaz, le pétrole et le charbon ont subitement vu leur prix grimper subitement au cours de l’année 2021. Cette hausse se comprend très bien puisqu’elle n’est que la conséquence d’une demande qui, selon l’Agence internationale de l’énergie, a augmenté de plus de 6%. Pour la petite précision, la demande en matières premières n’a jamais augmenté aussi rapidement pendant les 10 dernières années.
Malheureusement, comme toujours, la loi du marché s’est imposée. La forte demande s’étant trouvée face au mur de l’indisponibilité relative des ressources énergétiques. Conséquence directe, les prix ont connu une hausse inédite.
La guerre russo-ukrainienne
Il est impossible d’aborder la question de la crise énergétique actuelle sans faire cas de la Russie de Poutine et de l’Ukraine de Volodymyr Zelensky. S’il est vrai qu’il y avait déjà des tensions entre la Russie, les USA et l’UE, elles ont été amplifiées par l’offensive menée par la Russie en Ukraine.
Cette guerre a commencé le 24 février 2022 entre la Russie et l’Ukraine. Malheureusement, l’implication des pays européens et américains venus à la rescousse de l’Ukraine a fait déborder le conflit sur le reste du monde. Face aux sanctions prononcées contre elle par les États-Unis et l’Union européenne, la Russie arrête ses exportations de gaz vers plusieurs pays phares.
Or, l’économie de l’Union européenne, par exemple, dépend étroitement des hydrocarbures produits par la Russie. Par exemple, 48,4% du gaz et 25,4% du pétrole importé dans l’UE au premier semestre 2021 provenaient de Russie. La crise énergétique actuelle a donc des fondements essentiellement géopolitiques.
La crise énergétique et son impact sur la France
Si les États-Unis s’en sortent mieux que la France, c’est parce qu’elles ont plus de sources nationales. En France, les conséquences sont très sévères. Tous les secteurs en ont ressenti les impacts très durement. Les consommateurs, les industriels et tous les secteurs grands consommateurs d’énergie ont subi la crise de plein fouet. Les récentes factures énergétiques suffisent pour prouver cela.
En effet, environ 5 millions de Français subissent une croissance vertigineuse de 59% du prix du gaz depuis le 1er janvier 2021. Le ministre de l’Industrie a déclaré le 20 septembre dernier que plus de 300 entreprises françaises risquent de se trouver en difficulté à la fin de l’année.
Entre temps, les entreprises se sont mis à répercuter l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité sur les factures de leurs clients afin de mieux faire face à leurs charges opérationnelles. Mais cette mesure ne peut pas être durable. Les entreprises ne peuvent pas durablement répercuter la hausse des prix de l’énergie sur leurs clients.
Dans un contexte où l’hiver approche avec des menaces de pénuries d’électricité consécutives à des pics de consommation d’énergie, les entreprises doivent davantage se préparer pour supporter les mesures qui pourraient être prises.
Ainsi, certaines d’entre elles prennent des décisions drastiques. Aluminium Dunkerque par exemple, qui est la plus grande entreprise de fonte d’aluminium primaire dans l’UE et le plus gros consommateur d’électricité en français en fait partie. L’entreprise prévoit de réduire sa production de 20%, après l’avoir déjà réduit de 15% en fin 2021.
Il en est de même pour la célèbre verrerie Duralex. En effet, en 2021, sa facture d’énergie était de 2 millions d’euros. Cette année, sa consommation énergétique lui a coûté 13 millions d’euros. L’entreprise a décidé de mettre son four en veille pendant 4 mois tout au moins et de placer tout son personnel en chômage partiel.
Les entreprises qui n’ont, jusque-là, pas encore opéré des interruptions d’activité ou des licenciements de personnel se demandent combien de temps elles seront en mesure de tenir face à la flambée continue des prix de l’énergie et de l’électricité en l’occurrence.
Quelles sont les entreprises les plus affectées par la crise énergétique actuelle ?
Les semaines s’écoulent, et la situation ne s’améliore pas. Le prix de l’énergie atteint des records historiques, plongeant l’Europe entière dans une conjoncture sévère. Actuellement, le rebond des cours de l’essence, de l’électricité et du gaz est tel que certaines branches sont particulièrement touchées. Il s’agit entre autres du secteur de l’agroalimentaire, du secteur de la métallurgie et du secteur de la production d’engrais.
Ainsi, ici, on réduit le niveau de production ou on arrête carrément les unités de production. Là-bas, on ferme des services entiers ou on arrête l’activité pendant les heures de pointe énergétique. Dans certains cas même, des entreprises n’ont d’autres choix que de licencier du personnel pour se maintenir en vie.
Même si la période que nous traversons est très éprouvante pour les entreprises, toutes tailles confondues, les PME sont les plus affectées. Les PME du secteur agroalimentaire sont particulièrement concernées. Il s’agit surtout de celles qui ont des usines de production, c’est-à-dire celles qui sont dans la boulangerie, dans la production de produits laitiers ou dans la transformation des légumes.
En effet, ces entreprises font partie des plus grosses consommatrices d’énergie. Pour causes, ces PME ont besoin d’énergie à la fois pour alimenter leurs locaux comme toutes les autres entreprises, mais elles en ont aussi besoin pour faire fonctionner les machines.
L’industrie de la papeterie n’est pas exclue de la danse, puisque l’énergie est la deuxième est le deuxième poste le plus lourd dans son budget de dépenses. Et qu’en est-il de l’industrie de l’emballage ? Ou encore des entreprises qui doivent fabriquer et emballer leurs produits. Elles toutes ressentent l’impact de la crise à leur manière, puisqu’elles doivent continuer à s’approvisionner sur le marché.
Ainsi, si la plupart des dirigeants se plaignent de voir leur entreprise perdre de la compétitivité sur les marchés internationaux, les petits entrepreneurs sont parfois obligés de vendre à perte et donc de fonctionner sans générer de marges suffisantes.
La particularité avec les PME, c’est que leur taille ne leur laisse pas la possibilité de procéder à une augmentation de leurs prix de vente. Elles sont contraintes de rogner sur leur marge, ce qui met en péril leur pérennité. Or, presque la totalité des 243 000 PME que comptent la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de France était déjà endettée avec la pandémie de la COVID.
Elles se trouvent donc prises entre la nécessité de rembourser leur engagement et d’avoir une trésorerie suffisante pour supporter les réductions de leur excédent brut d’exploitation et leurs marges et l’augmentation de leurs charges d’exploitation.
Quel est l’impact de la crise énergétique sur votre entreprise ?
Pour la plupart des entreprises affectées, les conséquences sont généralement les mêmes. Elles se trouvent généralement contraintes de réduire leurs marges afin de compenser la hausse de leurs charges d’exploitation. Mais en même temps qu’elles réduisent leurs marges commerciales, elles doivent augmenter leurs prix pour préserver un certain niveau de rentabilité. Les producteurs et les consommateurs sont donc tous affectés.
Les seules entreprises qui parviennent à s’en tirer un peu mieux sont celles qui ont négocié un contrat d’énergie à prix fixe avec leur fournisseur. La même chose se produit avec les entreprises qui sont dans la grande distribution et qui négocient des contrats à long terme. Il n’est pas toujours évident de renégocier les contrats alors qu’ils sont déjà établis.
Ainsi, d’un secteur d’activité à l’autre, la réduction des marges commerciales et donc des bénéfices annuels est la première conséquence de la crise énergétique actuelle. Mais il faut noter que les contrats de longue durée finissent toujours par venir à leur terme. Leur durée n’excède généralement pas 3 ans.
Par conséquent, les entreprises concernées finiront par effectuer une renégociation de leurs divers contrats d’approvisionnement. Ainsi, si les courbes des prix de l’électricité, du gaz et du pétrole continuent de suivre l’allure croissante qu’elles suivent actuellement, il est clair que toutes les entreprises, celles qui font la grande distribution, comme ceux qui sont dans le détail, finiront par en ressentir l’impact.
Ce qui est certain, c’est que lorsque les marges sont réduites et que les dépenses d’énergie continuent à s’accroître, votre PME ou votre entreprise individuelle risque de commencer à perdre sa compétitivité. Les charges relatives à l’acheminement de vos produits vers vos clients et les frais de transport des matières premières vers vos locaux. Même les frais de stockage de vos produits risquent de s’accroître, surtout si vous opérez dans un secteur exigeant le stockage de denrées au frais.
Crise énergétique : comment y faire face ?
Vous êtes une PME ou une entreprise individuelle ? La crise énergétique vous en fait voir de toutes les couleurs ? Vous avez mis en œuvre toutes les mesures d’austérité économiques pour tenir face à la menace qui pèse sur votre activité et sur votre survie ? Découvrez les plans et les mesures d’aides mises en place par le gouvernement français.
La vigilance énergétique
Avec la conjoncture, plusieurs entreprises voient leur stabilité financière et leur avenir économique remis en cause. C’est justement le bon moment pour faire des choix judicieux en matière de consommation d’énergie. Dans un premier temps, il est plus qu’important de veiller à faire en sorte que vos fournisseurs respectent les termes des contrats en cours.
Scrutez chaque contrat pour surveiller les clauses d’indexation, les termes de sorties ainsi que les clauses qui définissent les mesures à prendre dans les cas exceptionnels.
Assurez-vous également que les mesures mises en place par le gouvernement dans le cadre de l’assistance aux consommateurs d’énergie sont dûment reflétées sur vos factures.
Vous gagnerez également à opérer des choix judicieux en ce qui concerne les dépenses d’énergie de votre entreprise ou le choix d’un fournisseur d’énergie. Des entreprises ont par exemple fermé leur salle de sport pour réduire leur consommation d’énergie. Vous pouvez trouver des solutions adaptées à votre entreprise.
Pour ce qui est du choix des fournisseurs d’énergie, les comparateurs vous seront d’une grande utilité. Prenez le temps de comparer les offres et de vous tourner vers celles qui garantissent les conditions financières les plus avantageuses.
Les mesures de sobriété énergétique
Dans son discours prononcé ce lundi 29 août, la première ministre, Élisabeth Borne, a invité les entreprises à embrasser la responsabilité collective pour « surmonter le risque de pénurie de gaz cet hiver ».
Il s’agira donc pour les entreprises de mettre en œuvre des solutions de sobriété énergétique qui permettront de réduire de près de 10% leur consommation électrique sur une durée de deux ans.
La première ministre a rappelé aux PME qu’il vaut mieux qu’elles choisissent de faire des économies que de devoir subir des coupures parce qu’à partir d’un moment donné, le gouvernement n’aura d’autre choix que d’imposer des baisses de consommation.
Les mesures d’aides mises en place par l’État
Plusieurs langues ont récemment fait entendre que l’Etat est le seul à gagner des super-bénéfices dans cette crise énergétique, en raison du nombre d’impôts auquel les entreprises sont assujetties. Pourtant, le gouvernement n’est pas resté insensible à la situation. Voici quelques mesures mises en œuvre pour accompagner les entreprises affectées par la conjoncture.
Le Prêt garanti par l’État Résilience
Le Prêt garanti par l’État Résilience est un dispositif mis en place depuis mars 2022 et disponible jusqu’au 31 décembre pour les entreprises qui ont besoin d’un coup de main pour soutenir leur trésorerie face aux conséquences de la crise énergétique.
Ce nouveau PGE permet aux entreprises affectées par la crise de bénéficier d’un financement supplémentaire même si elles n’ont pas fini de rembourser le PGE. Les entreprises ont la possibilité d’obtenir un financement supplémentaire équivalent à 15% du chiffre d’affaires moyen pour les 3 dernières années.
À l’instar du PGE mis en place en réponse à la pandémie de la covid, le PGE Résilience aura une durée d’amortissement de 6 ans avec une période de franchise de 12 mois.
Des mesures complémentaires
Avec l’intensification de la crise énergétique, le gouvernement français a mis en place des aides complémentaires qui ont pris effet à partir du 1er avril 2022. Il s’agit en l’occurrence de l’augmentation du plafond de l’ARENH 2022 de 20 TWH. Avec cette mesure, le plafond du volume d’électricité auquel vous pouvez avoir accès à prix réglementé a été relevé.
Autrefois, tous les consommateurs avaient accès à 100 TWh au prix de 42 euros le mégawattheure. Désormais, 20 TWh ont été ajoutés au plafond pour un prix de 46,2 mégawattheures.
Dans une économie qui se voit de plus en plus étranglée, il faut forcément prendre des mesures urgentes pour empêcher que beaucoup d’entreprises ne mettent la clé sous la porte, laissant de plus en plus de travailleurs sans emploi. Plusieurs soutiens d’urgence ont donc été mis en place par le gouvernement français.
Le plan de résilience
Le 16 mars 2022, le Premier ministre français a présenté un plan de résilience pour encadrer la crise énergétique de façon temporaire au niveau européen. Il s’agit d’une mesure prise pour accompagner les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur, à condition qu’elles remplissent trois principales conditions.
Elles doivent être particulièrement exposées à la hausse des prix. Leurs dépenses de gaz et d’électricité doivent représenter au minimum 3% de leur chiffre d’affaires. Il doit également sembler probable que l’entreprise soit sur le point de devenir déficitaire en 2022. Les entreprises concernées pourront donc bénéficier de :
- 30% des coûts éligibles avec un plafond de 2 millions d’euros si votre excédent brut d’exploitation baisse de 30% par rapport à l’année 2021 ;
- 50% des coûts éligibles, avec un plafond de 25 millions d’euros sans dépasser 80% du total des pertes si votre excédent brut d’exploitation est négatif ;
- 70% des coûts éligibles avec un plafond de 50 millions d’euros si vous exercez dans un des secteurs ayant une très forte exposition à la concurrence internationale.
Il est vrai que ces mesures ne peuvent raisonnablement pas sortir les entreprises des difficultés qu’elles traversent actuellement, cependant, vous pouvez en faire un levier pour vous bâtir un ancrage et une résilience afin de survivre à la conjoncture.