
Du réciter au parler
Lorsqu’un orateur fait un exposé, quand quelqu’un parle seul à plusieurs personnes, lorsqu’un postulant se présente pour un entretien ou qu’un étudiant soutient une thèse… Dans tous ces moments où l’enjeu est d’importance, pourquoi le ton devient-il très monotone, sans relief, monocorde, sans âme.. ? Et oui, maîtriser l’art de la prise de parole n’est pas une tâche facile.
Dialoguer entre amis…
Comment expliquer que la même personne, dialoguant à bâtons rompus avec des amis, retrouve sa vivacité, sa richesse d’intonation, sa vérité, son énergie ? Comment se fait-il qu’elle redevienne vivante ? La conversation, le dialogue entre amis, la discussion sans conséquence, vous connaissez ! L’interaction fait partie de votre vie relationnelle quotidienne, vous en avez la pratique.
Vous n’êtes peut-être pas brillant, vous n’avez peut-être pas une fluidité verbale extraordinaire, vous êtes peut-être timide, vous articulez sans doute mal, mais on vous entend, on vous comprend. Il faut bien faire avec et vous faites « avec » !
Parler face aux autres
Parler seul devant les autres, exposer, argumenter, répondre à des questions dont peut dépendre votre avenir, c’est une autre affaire.
Vous n’êtes plus à l’école
Cette pratique d’élève récitant sa leçon devant le professeur qui attend à la fin pour vous noter, vous la connaissez bien ! Cette épreuve où vous étiez seul sur une estrade pour prouver votre savoir. Ces questions auxquelles il vous fallait bien répondre sous peine de mauvaises notes, vous vous en souvenez. Votre premier système de référence est là.
Les récitations et dictées, voici le piège ! Vestige sans doute de l’importance de la chose écrite, à l’âge où nous apprenions à réfléchir et à communiquer, notre enseignement reposait essentiellement sur ce mode d’expression qu’est l’écrit. Oui mais voilà, l’écriture est essentiellement linéaire et nous n’avons même pas, nous Français, d’accent tonique codifié dans l’écriture.
Et ce n’est pas tout ! Les modes de communication sont différentes. Les veillées autour de la cheminée, où chacun racontait son histoire, pouvaient servir d’apprentissage à la parole : la télévision a remplacé le feu de la cheminée, la vidéo à largement relayé les supports dessins et photos. Aujourd’hui, en entreprise, les réunions en tout genre se multiplient et nous continuons à parler « comme un livre » par manque de savoir-faire.
À coup de récitations…
Vous a t-on dit autre chose dans votre scolarité que : « récite-nous ta leçon » au lieu de « dis-nous ce que tu sais » ? Ce handicap culturel nous a marqués profondément. Alors, quand nous parlons dans des circonstances à fort enjeu, nous continuons à réciter et remplissons les trous par crainte des silences, nous les meublons de grands « heu.. » perturbateurs qui n’apportent franchement rien à notre prise de parole mais qui disent : « Ne vous inquiétez pas, je sais, ne me coupez pas, je vais vous dire… »
Vous reconnaissez la musique, cette petite musique « récitée » comme un chant continu, cette musique acquise pendant notre enfance.
Mais souvenez-vous si vous aviez commencé par : « Maître corbeau » suivi d’un silence et sans enchaîner tout de suite, votre instituteur vous aurait sans doute dit « Tu n’as appris que deux mots, tu ne sais pas ta récitation, à ta place »
Il en fut ainsi pour toutes nos leçons. Nous avons au fil du temps, perçu le silence comme un non-savoir, l’expression d’un trou de mémoire, d’une faute.
Ce silence qui, nous ne le répéterons jamais assez, est la base de toute expression verbale de qualité.
…et de dictées
Autres apprentissage ! C’est à coups de dictées que l’on nous a assené les règles de la ponctuation. Oui mais voilà, il s’agit bien d’une ponctuation écrite.
Nous avons appris à faire un silence plus long au point-virgule et un silence encore plus long au point. Pour couronner le tout, notre instituteur s’appliquait à baisser la voix pour bien nous faire sentir la fin de la phrase.
Cependant, finir toutes ses fins de phrase avec une intonation basse crée cette monotonie, cette triste mélodie qui fait que l’on ne soutient pas l’expression de sa pensée jusqu’au bout… Et que les autres s’endorment. Le fait d’avoir appris à faire des silences après ces ponctuations, et uniquement là, nous a conditionnés pour ne pas en faire ailleurs.
« Un texte, disait Louis Jouvet, c’est avant tout une respiration ! Et la respiration orale, ce sont les silences ».
L’oral nous permet de moduler notre voix dans les inflexions (les intonations), dans la force vocale (le volume), dans la fréquence (grave et aigüe). Il permet, mieux, il réclame la répétition comme un moyen efficace pour marquer l’importance d’un mot, pour aider sa mémorisation et être mieux compris. Ne vous arrive-t-il pas de dire : « non, non, non, non, et non ! » Difficile à écrire, non ?
Lorsque nous parlons, nous donnons de la couleur aux mots. Le parler est incontestablement plus riche et plus authentique que l’écrit, Car il se nourrit de subtilités intraduisibles, de ressentis et d’intentions réagissant en temps réel.
L’instrument vocal (il s’agit bien d’un instrument) peut appuyer sur certains mots (scansions), en laisser en suspens certains autres (silences), rythmer une expression (variation de débit), élargir les sons, en raccourcir d’autres… À condition de sortir du carcan de cette « ponctuation écrite ».

Les bases de la prise de parole
Les attaques :
Ce sont les débuts de prise de parole, les premières syllabes d’un mot. Il est important de soutenir ses attaques pour dynamiser votre prise de parole :
- Commencez franchement vos interventions. Pas de rodage, entrez tout de suite dans la couleur générale de cette prise de parole. Cela est d’autant plus difficile que l’on commence souvent par de petits mots outils : articles, prépositions, pronoms personnels. Ces petits mots qui ont souvent une grande importance sont la plupart du temps « mangés ». On les devine plus qu’on ne les entend.
- Soutenir ses attaques c’est donné une impression de clarté, de compétence et de détermination dès le départ.
- Quand vous commencez à parler, soutenez les quelques premiers mots par une force vocale légèrement au dessus de la norme, puis placez tout de suite un silence. C’est la meilleure façon d’attirer l’attention sur vous, de dynamiser l’écoute de vos interlocuteurs.
L’enjambement
Pour se libérer de l’acquis culturel de l’écriture, un bon exercice que vous pouvez faire consiste à supprimer les points et à les passer systématiquement : c’est l’enjambement.
L’enjambement d’un point est une manière de « pont » qui relie la fin d’une phrase au commencement d’une autre.
Ex : « il frappa à la porte et l’ouvrit. C’était… » (respiration).
Pour aider à ce passage, il suffit de faire un repère sur son texte. Au-dessus de chaque point, un petit pont devenu classique chez les comédiens leur permet de noter ce saut de ponctuation.
Pour accrocher une idée nouvelle à celle déjà exprimée et rebondir en relançant l’écoute de l’auditeur, l’enjambement est un atout non négligeable.
L’enjambement permet aussi de forcer les changements d’inflexion et de rythme.
De plus, il y a un autre avantage à utiliser les enjambements et déplacer vos silences. Lors de votre prise de parole, surtout lors d’un débat, ou lorsque vous êtes susceptible de vous faire couper la parole, placer votre silence en plein milieu d’une phrase permet de l’éviter. En effet, l’interlocuteur en face de vous se doit de parler que lorsque vous aurez énoncé l’intégralité de votre phrase ou de votre idée.
Le silence
Il faut cesser de penser que le silence est un blanc. Un silence est d’abord une respiration et il permet de laisser à l’autre le temps de comprendre ce qui vient d’être dit et d’attendre ce qui va être dit.
- Le silence paraît toujours plus long pour celui qui le fait que pour ceux qui l’écoutent
- Le silence permet de prendre le temps de relâcher les tensions. Le silence bien exécuté et assumé donne aux autres une impression de maîtrise et d’assurance.
- Le silence peut masquer pendant qulques secondes un trou de mémoire.
La scansion
La scansion est une sorte d’accent tonique que l’on peut placer selon son ressenti sur une expression, un mot ou tout simplement une syllabe !
« Je ne suis pas d’accord, c’est MON entreprise, ce sont MES règles ! ».
Faire des scansions valorise votre expression en lui donnant du relief. Elles permettent de mettre en avant le terme souhaité.
Débit et rythme
Comme en musique, comme en peinture, c’est la rupture de rythme et les contrastes qui coloreront l’expression.
Certains livres soutiennent que le bon débit d’une prise de parole est de 140 mots/minute. Or cela uniformise le discours et ne laisse pas la place au rythme. Ainsi, le débit parfait ne se mesure pas. Il faut juste savoir alterner des périodes lentes et des périodes rapides.
Ce qu’il faut donc retenir pour une prise de parole efficace :
- Soignez vos attaques
- Pensez toujours que vous racontez une histoire, la notion de silence et de suspens est primordial pour garder l’intention de votre auditeur.
- La ponctuation parlée est différente de la ponctuation écrite
- Vous pouvez prendre des respirations où vous le souhaitez dans vos phrases.
- Maîtrisez votre débit en lui donnant des rythmes contrastés.
- Faites des scansions sur les mots de valeur pour donner du relief à ce que vous dites.
Cet article a été inspiré par l’ouvrage de Jean-Claude MARTIN intitulé « Le guide de la communication »
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Je ne suis pas certain que “vous êtes successible” corresponde à quelque chose, il faudrait vérifier… Pour ma part j’évite d’avoir un lire un texte, en revanche j’ai des notes qui correspondent à la structure (le plan de mon intervention. Parler de mémoire est facile si l’on connaît bien son sujet, et c’est forcément plus vivant. Enfin toutes les études et les conseils donnés aux hommes politiques et orateurs rejoignent l’idée que l’attention de l’auditeur ne peut être soutenue plus de 6 minutes. Arrivé à ce stade, l’intervenant doit soit avoir terminé, soit aborder un nouvel élément qui réveillera l’attention (le cas échéant..